La disparition des ormes
La disparition des ormes vers la fin des années 1970 est due à un champignon extrêmement qui a été colporté par des scolytes.
On pense que la forte sécheresse de 1975-1976 ainsi que l’homogénéité génétique des ormes a favorisé l’invasion de ce champignon par les scolytes.
Cette maladie des ormes a été dénommée la «graphiose» car les galeries creusées par les insectes forment des graphismes sous l’écorce, elle est aussi parfois nommée «maladie hollandaise de l’orme» car ce sont des pathologistes néerlandais qui ont donné les premiers, en 1921, une description précise de cette pathologie fongique.
L’orme : un allié pour l’homme depuis l’époque romaine
L’orme en association avec la vigne
Les romains utilisaient l’orme comme support de la vigne et l’association orme/vigne était le symbole poétique du mariage.
On a donc utilisé le bois imputrescible de l’orme pour concevoir des treilles et fabriquer des piquets de vigne.
L’orme dans l’histoire de France
En 1552, Henri II fit planter par l'arrêté royal des ormes le long des routes pour faire des affuts de canon (bâti supportant le canon et qui en temps de guerre permet de le déplacer et de le diriger).
A la fin du XVIième siècle, après les guerres de religion, Sully, ministre et ami d’Henri IV, protecteur de l’agriculture ordonna de planter un orme ou un tilleul dans chaque village (voir article sur les arbres de Sully). Malheureusement il n’en reste guère de nos jours. Cependant on peut en admirer un exemplaire à Villeséquelande à quelque kilomètres de Carcassonne, il porte le label "Arbre remarquable de France".
L'orme à Paris
C'est l’arbre parisien : le premier arbre d'ornement a été planté à Paris en 1597, entre la porte Saint-Honoré et la porte Saint-Denis. Les premiers ormes ont été plantés sur les Champs Elysées et sur le boulevard Franklin Roosevelt à la fin du XVIIième siècle. Ces alignements d'ormes, qui ont fourni ombre et fraîcheur aux Parisiens pendant des siècles, ont disparu de nos jours.
Au début du siècle, on comptait 16 000 ormes dans les rues de Paris, ce qui correspondait à plus d'un tiers de toutes les plantations !
En trente ans, 97 % des 30 000 ormes ont été abattus. "Une dizaine est encore retirée chaque année. Finalement, l'espèce a été condamnée dans la capitale", explique Jean-Pol Neme, responsable du service des arbres de Paris.
L’intérêt du bois d’orme
L’orme a présenté de nombreux intérêts pour l’homme. En effet, son bois particulièrement dur et difficile à fendre, très solide, était employé dans la construction de navires et dans la fabrication d’objets divers : crosses de fusils, vis de de pressoirs, supports en bois, poulies, moyeux et jantes de roues, etc. Si ces usages ont perdu de leur intérêt de nos jours, c'est pour sa beauté qu’il est utilisé en ébénisterie.
Les fibres de son écorce ont été utilisées pour faire des vêtements et des cordes et ses feuilles sont servi de nourriture pour le bétail.
Cet arbre est aussi une espèce d’arbre ornementale souvent plantée dans les parcs urbains car son ombre est très appréciée. De plus, il tolère bien la plantation en rangs, l’élagage et la taille.
Disparition progressive des ormes
La disparition des ormes s’accélérant vers la fin des années 1970, est due à un champignon extrêmement phytopathogène (Ceratocystis ulmi ) colporté par des scolytes.
On pense que la forte sécheresse de 1975-1976 ainsi que l’homogénéité génétique des ormes a favorisé l’invasion de ce champignon par les scolytes. Cette maladie des ormes a été dénommée la «graphiose» car les galeries creusées par les insectes forment des graphismes sous l’écorce.
Il faut savoir que les scolytes n’ont pas de prédateurs (certaines bactéries ou acariens attaquent leurs œufs).
Comprendre l’origine de la maladie
Tout d’abord, il faut se pencher sur la migration des ormes.
L’aire géographique de l’orme est l’est de l’Asie avec de nombreuses espèces d’assez petites tailles (Uimus parvifolia, U. pumi/a).
Ensuite, il a migré progressivement vers l’ouest, vers l’Europe. Les espèces moins nombreuses présentaient des arbres de taille supérieure (Ulm us campes-tris, U. montana, U. pedunculata).
En Amérique, il a été multiplié des espèces encore plus vigoureuses, à croissance rapide et à larges feuilles (Uimus americana, U. rubra , U. thomasii),
Il a été constaté que les espèces asiatiques sont plus résistantes à la maladie, que les espèces européennes sont plus gravement susceptibles et que les américaines sont très sensibles.
La maladie de la graphiose
L’origine de la maladie
Les premiers cas de mortalité des ormes ont été observés vers 1919.
Certains phytopathologistes pensent que Ceratocystis ulmi a été introduit en France pendant la Première Guerre mondiale par des ouvriers chinois arrivant par bateau. En effet, afin de reconstruire les voies ferrées détruites derrière les lignes de front (Somme, Aisne, Marne), il a été fait appel à une main d’œuvre chinoise. Or, ces ouvriers étaient chaussés de sandales en écorce d'orme et pouvaient véhiculer des spores de Ceratocystis. La maladie a donc fait son apparition dans la zone du front où ont été utilisés des gaz toxiques comme le gaz moutarde. On sait désormais que ce fameux «gaz moutarde» est mutagène. Peut-être que le Ceratocystis autrefois saprophyte des ormes a développé une mutation virulente.
Selon Pomerleau, au Canada, l’origine de la maladie serait dans les emballages en bois d’ormes arrivés d’Europe dans un bateau.
La maladie «hollandaise»
La première description précise de la maladie a été donnée en 1921, par des pathologistes hollandais. C’est pour cela qu’on l’appelle «Dutch elm disease, (maladie hollandaise de l'orme).
Sa propagation fut fulgurante. Après la France, la Belgique, la Hollande et l’Angleterre, elle atteint l’Italie et la Yougoslavie en 1929 puis la Finlande, l’Irlande, le Portugal, la Turquie et l’Oural. En 1930, elle se propage aux Etats-Unis (Ohio).
Malgré des mesures de quarantaine et de surveillance la maladie se propage au Canada en 1940.
L’estimation du nombre d’arbres décimés a été estimée à 700 000 arbres en 1960.
En France, on a vu des espoirs d’amélioration dans les années 60 mais, une recrudescence est survenue depuis 1970 (apparition d'une souche plus virulente de l'agent pathogène due à l'hybridation accidentelle avec une souche d' Amérique, stress imputé à la sécheresse de 1976).
Comment se produit la propagation ?
Le scolyte n’a pas la capacité de digérer la lignine et la cellulose du bois. Il emporte donc avec lui, grâce aux poils microscopiques qui garnissent sa carapace et ses pattes, depuis l’arbre dans lequel il est né, des spores et/ou des mycéliums d’un champignon symbiotique. Celui-ci attaque la lignine et la cellulose et les digère les rendant ainsi comestible pour la larve du scolyte.
Les scolytes s'attaquent aux arbres stressés.
- Les scolytes commencent à s’attaquer à l’écorce de l’arbre.
- La maladie est transmise quand l’insecte est vecteur (certains scolytes indigènes ne la transmettent pas).
- L’insecte creuse des galeries sous l’écorce où la femelle pondra ses œufs et où le champignon se déposera ce qui infectera les larves. Les champignons s’étendent et finissent par obstruer les vaisseaux conducteurs tuant l'arbre petit à petit ; d’autre part, après avoir pond,u l’insecte se déplacera vers un autre arbre en propageant le champignon. Le cycle va se réitérer.
- Quand les larves sont devenues adultes, les insectes quittent la galerie couverts des spores du champignon.
Quand un arbre est en bonne santé, il sécrète toute une gamme de molécules qui ont chacune leur rôle : (fongicide, bactéricide, insecticide et même défensive (lignine dure, capacité à immobiliser, engluer et noyer dans la sève ou de la résine tout insecte s'introduisant ou se développant dans la partie superficielle de son tronc).
Quand un arbre est blessé, fendu ou déshydraté, non seulement il perd ces capacités mais produit des hormones de stress qui attirent les scolytes.
Des hivers inhabituellement doux suivis de vagues de chaleur consécutives ou des étés chauds et secs semblent favoriser, dans tout l'hémisphère nord, la prolifération d’insectes défoliateurs et de scolytes. Les monocultures de conifères semblent également contribuer à cette prolifération.
Après des vents violents ou des sécheresses exceptionnellement longues ou sévères, les coléoptères peuvent coloniser les chablis (arbres déracinés), déshydratés, mutilés, blessés ou affaiblis. Une tornade peut creuser un couloir de dégâts, propice à la pullulation des scolytes.
On pense que ce sont pour les scolytes sont de nombreuses "portes d'entrée" vers d'autres organismes pourrissant le bois (consommant du bois mort ou vivant). Les scolytes ont longtemps été considérés comme des "ravageurs". Or, les scolytes jouent un rôle important dans la résilience écologique des forêts lors des années de sécheresse sévère, faisant parfois suite à des vagues de défoliation par les insectes feuillus (également attirés par les hormones de stress libérées par les arbres).
Comment se décèle la maladie ?
Les symptômes visibles de la maladie apparaissent généralement en juin et s’accentuent en juillet-août. Plus l’été est chaud et sec, plus ils sont visibles. Au début, les feuilles d’un rameau ou plusieurs rameaux de la cime de l’arbre flétrissent subitement, se décolorent, dessèchent et tombent ou bien restent accrochées. On voit les rameaux de l’arbre mourir les uns après les autres. Il suffit parfois d’une seule saison pour faire mourir les jeunes ormes, les arbres plus âgés mettent plusieurs années.
Avant de mourir, l’arbre fait des rejets à la base de son tronc mais ceux-ci mourront également.
Des symptômes internes sont observés dans l'aubier. Sur des coupes transversales de branches malades, on observe des tâches sombres disposées en cercle plus ou moins complet. Ce sont des anneaux de bois de printemps dont les gros vaisseaux sanguins sont obstrués par des «gommes» dispersés par des spores fongiques. Ce dépôt est le résultat de la réponse défensive de l'orme à la croissance de champignons dans ses vaisseaux les bouchant et empêchant la sève de circuler. Ainsi, ceci fait une sorte d’ «embolie», dont les conséquences sont le flétrissement progressif de l'extérieur des branches qui ne sont plus alimentées.
Les champignons se développent grâce à de minuscules spores transportées sur des distances plus ou moins grandes par la sève. Ces spores peuvent germer, produisant du mycélium, qui continue de croître dans un autre vaisseau et, à son tour, y forme des spores. Plus les vaisseaux sanguins sont longs, larges et rapprochés, plus il est facile pour les parasites vasculaires de se développer. La propagation se fait parfois des arbres malades aux arbres sains par contact ou par greffe naturelle des racines, notamment en milieu urbain.
Cependant, la plupart du temps ce sont les scolytes qui véhiculent la maladie. Ils se rassemblent sous l’écorce et peuvent atteindre la couche externe du bois. transportant des spores sans aucune conséquences sur tube digestif de l'insecte ! La maladie peut donc facilement se propager d’un arbre à l’autre.
Les moyens de lutte
La lutte contre les scolytes est très difficile en raison de leur mode de vie puisqu’ils vivent principalement sous l’écorce des arbres.
Un des modes de lutte est la coupe du bois attaqué mais cette coupe constitue un nouveau stress pour les arbres.
Les scolytes n’ont pas de prédateurs (mais certaines bactéries ou acariens attaquent leurs œufs).
Il existe plusieurs moyens de lutte :
La limitation du développement des larves
- Ecorçage des grumes abattues ou des arbres tombés suite à une tempête afin d’éviter que les scolytes y pondent.
- Débardage des arbres tombés.
- L’installation de pièges à phéromones reproduisant le spectre d’odeurs d’arbres malades. Cette méthode étant inenvisageable en forêt en raison du nombre très important d’insectes vivants dans chaque arbre car il faudrait plusieurs pièges différents par arbre. Le piégeage est utilisé dans les parcs pour essayer de réduire la pullulation.
La prévention
Il s’agit de ne pas encourager la pullulation des scolytes, en agissant sur le stress des arbres.
- Limitation de la fragmentation des forêts par des routes et grandes coupes (il a été constaté que les arbres sur les lisières naturelles ou créés par les routes, sur les zones sèches ou en pentes présentaient une sensibilité accrue au stress hydrique).
- Meilleure protection du sol.
- Meilleure gestion de l’eau pour la retenir en forêt en haut des versants.
- Biodiversité (mélange d’arbres issus de souches locales nés de graines et non clonés ou bouturés).
Un espoir cependant : Lutèce ?
Nous avons vu que les ormes de Paris ont pratiquement disparus, remplaçés par les platanes (38 % des arbres de la capitale), les châtaigniers (15 %) et les tilleuls (10 %) mais les ormes commencent désormais à revenir dans les rues de Paris.
Des variétés résistantes à la maladie ont été développées par INRA (Institut National Agronomique) après 25 ans de recherches avec le soutien de la Ville de Paris. 150 plants par an ont été replantés dans la capitales à partir de 2009.
La nouvelle variété porte le nom Lutèce. «C'est un hybride de 1/8 d'orme d'Asie (le seul orme résistant à la graphitisation) et de 7/8 d'orme d'Europe», explique Jean-Pol Neme. Jusqu'à présent, une seule variété asiatique a été réintroduite depuis 2005, boulevard de Magenta à Paris (avec un brevet américain), mais cette variété a un défaut : "sa forme ne correspond pas à l'orme d'origine", poursuit Jean-Pol Neme.
Facilement identifiable grâce à sa forme droite et ses feuilles dentelées légèrement asymétriques, l'orme Lutèce ne remplacera pas tous les arbres parisiens. «Le but est d'augmenter la biodiversité, pas de faire à nouveau de l'orme l'espèce dominante à Paris. On ne peut jamais être sûr à 100 % qu'une espèce résiste aux maladies» toujours selon Jean-Pol Neme.
Retour non seulement parisien !
Depuis quelques années, l’orme de Lutèce est commercialisé par les pépinières françaises.